Brasserie de la Mousson : Soudons l'inox !

Charles AP
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Brasserie de la Mousson : Soudons l'inox !

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La brasserie de la mousson, créée par Rémi Boudes et installée au sein du GAEC des Petits Grains, à Sainte-Jalle (26) est incontournable sur le plan de la débrouille et de l'autoconstruction. Une foule de bonnes idées pour alléger la charge de travail tout en continuant à produire une bière paysanne de qualité et totalement locale. Ayant acquis sur le tas une bonne maîtrise des techniques de soudure, pour Rémi rien n'est irréalisable lorsqu'il est armé de son poste TIG. Dans cette chronique nous vous parlerons de l'importance de la réappropriation de la soudure inox par les brasseurs et nous vous exposerons quelques exemples de bricoles réalisées par Rémi dans sa brasserie.
Contexte : le GAEC des petits grains et la brasserie de la mousson
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Parcours :
La ferme de la Fauchère est reprise en 2008 par Rémi Boudes avec une DJA. En 2009, il crée la brasserie (La Mousson) et commence les cultures brassicoles. En 2010, il forme le GAEC des petits grains avec Arnaud Allain, projet centré autour de deux ateliers complémentaires : le pain et la bière. En 2013, suite au décès de la propriétaire, la ferme est léguée aux parents de Rémi qui la revende à Terre de Liens. À Partir de 2015, Lucien Eberhard rejoint la ferme pour lancer son projet brassicole, la brasserie des tilleuls (ou Bivouak), et partage les locaux avec Rémi.

Production des matières premières :
La ferme dispose de 24 ha de terre travaillable dont 4 ha de blé, 3 ha de petit épeautre, 4 ha d'orge brassicole, 3-2 ha de lentilles et 1 ha de pois chiche. Le blé permet d'obtenir 20 tonnes de de farine par an (pour le pain) et 8 tonnes d'orges sont produites par an dont le maltage est réalisé chez Malteur Echos (nord Ardèche).
La brasserie dispose de 80 mètres de houblon aromatique (principalement du Trisselspalt) et ne cultive pas de houblon amérisant. Les récoltes sont réalisées à la main.

Production de bière :
A la mousson, 18.000 litres de bières sont produits annuellement, par brassin de 1500 litres, se déclinant en 2 bières différentes : une blonde et une ambrée. Les bières sont volontairement peu houblonnées afin de mettre le grain en valeur. Depuis 2015, la mousson partage ses locaux avec la brasserie des Tilleuls (ou Bivouak), créée par Lucien Eberhard. Ils utilisent le même matériel pour la phase à chaud (brassage) mais ont chacun leur propre matériel pour la phase à froid (refroidissement, fermentation, conditionnement), évitant ainsi de partager les risques d'infection.

Commercialisation :

70 % de la bière est mise en fût à destination des gros événements (type festivals) et des bars. Les 30 % restant sont mis en bouteilles pour être vendus aux magasins de producteurs ou en vente directe.

Soudons l'inox !


Malgré le fait qu'aucune norme n'oblige l'utilisation d'acier inoxydable en brasserie, la gestion de l'hygiène y est primordiale afin d'éviter des contaminations qui peuvent impacter la qualité organoleptique du produit. Ainsi, l'inox est présent à tous les niveaux de la brasserie car, il présente une bonne diffusion de la chaleur (pour les phases à chaud) et une grande facilité de nettoyage sur le long terme.

Malheureusement, l'inox de qualité alimentaire est cher et son utilisation en brasserie nécessite une qualité de mise en œuvre irréprochable (pas de mauvais acier, pas de mauvaises soudures, etc) afin de se prémunir contre les risques de contamination. De ce fait, le brasseur est le plus souvent dépendant des constructeurs spécialisés et des prestataires extérieurs pour l'achat de matériel adapté ou pour les modifications/améliorations de matériel de récupération (peu ou pas adapté). Dans tous les cas, la facture grimpe très vite ! Il s'agit là d'un frein important à l'autonomisation des brasseurs (et paysans brasseurs), les obligeant à suivre des rendements élevés sous-tendus par la valeur de leur outil de travail.

Il est indéniable que les risques sanitaires liés à une mauvaise construction du matériel limite le potentiel d'autoconstruction en brasserie (et plus largement en transformation alimentaire). Cela dit, l'apprentissage du travail de l'acier inoxydable par les brasseurs est loin d'être inutile car, si certains postes restent à confier aux professionnels (cuverie de fermentation, refroidissement du moût, matériel de conditionnement, etc), beaucoup d'autres construction demeurent accessibles. Par exemple :

- les modifications de cuverie en phase à chaud (empâtage, ébullition, filtration, ...)
- la tuyauterie inox (transfert de maische, de moût en phase à chaud, conduits vapeur, conduits d'eau chaude, ...)
- les petites créations diverses (filtre à houblon, hop rockets, clé à fûts, fourquets, ...)
- les installations/modifications de raccords
- l'optimisation du matériel de nettoyage et d'assainissement (installation de boules de lavage, station CIP, laveuse de fûts, ...)
d'autres petites réalisations utiles à la sécurité ou à l'ergonomie (balustrade, chariots, ...).

L'autonomisation des brasseurs est d'autant plus intéressante que les opportunités de récupération d'inox alimentaire sont nombreuses : fermes laitières et fromageries, brasseries, chais, industries, ferrailleurs, « leboncoin.fr », …

Rémi Boudes de la brasserie de la Mousson est un bon exemple de paysan brasseur ayant tiré profit de la maîtrise de la soudure inox. Un bon nombre de grandes et petites choses dans sa brasserie ont été réalisées par ses soins, sans perdre de vue ce qui devait être confié à des professionnels (car trop risqué). Dans cette chronique, nous vous présentons certaines de ses créations qui, peut-être, pousseront certains à se lancer sur le chemin de l'autoconstruction brassicole !
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Constructions

Échangeur tubulaire

Les échangeurs tubulaires, utilisés depuis longtemps en viticulture, en distillation et dans l'industrie pharmaceutique, sont de plus en plus en vogue dans le milieu brassicole. En effet ils présentent le net avantage d'être simplement conçus et beaucoup plus simple à nettoyer que les échangeurs à plaques (majoritairement utilisés en brasserie). Lorsqu'on a conscience que la majorité des contaminations surviennent durant la phase de refroidissement, on comprend l'aspect primordiale que représente la facilité de désinfection d'un échangeur thermique en brasserie. Le désir de passer à ce type d'échangeurs et leur facilité de conception a poussé Rémi à construire lui même son échangeur tubulaire.

Il s'agit d'un circuit pour le moût constitué de fins tuyaux (Ø = 12 mm, épaisseur = 1 mm) contenu dans un circuit pour l'eau de refroidissement constitué de plus gros tuyaux (Ø = 25 mm, épaisseur = 1 mm). Les tuyaux courent horizontalement sur trois mètres et font 26 aller-retour, totalisant ainsi une longueur de circuit totale 78 mètres.
Schéma echangeur tubulaire 2.jpg
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Le moût est introduit dans la partie inférieure de l'échangeur et ressort refroidi dans sa partie supérieure. L'eau de refroidissement est envoyée à contre-courant du moût. Elle est donc introduite, à l'inverse, dans la partie supérieure de l'échangeur et ressort dans sa partie inférieure. Un manomètre est présent à l'entrée du moût pour pouvoir vérifié si la pompe tourne correctement. Une sonde a été installée à la sortie du moût refroidi pour en connaître la température, laquelle est déterminée en jouant sur le débit d'eau de refroidissement. Après la sonde, une lanterne (section de tuyauterie vitrée) permet de se rendre compte de la nature de ce qui sort de l'échangeur, ce qui est utile lorsque l'acide peracétique est « poussé » au moût en début de refroidissement ou lorsque le moût est poussé à l'eau chaude en fin de refroidissement.

L'échangeur a été conçu de telle manière qu'il est possible de démonter le circuit du moût grâce à un système de plaques boulonnées entre elles (voir zoom en haut à droite de l'illustration ci dessus). Sur l'une des plaques est soudé l'ensemble des tuyaux horizontaux (circuits eau et moût) et sur l'autre plaque sont soudés les coudes du circuit moût permettant de descendre/monter d'un « étage ». Des joints d'étanchéité (type DIN en caoutchouc, Ø = 15 mm) ont été placés au niveau de la jonction pour permettre l'étanchéité du circuit lorsque les plaques sont boulonnées entre elles.

En raison du risque qu'engendrerait des soudures mal réalisées, l'assemblage du circuit du moût a été soudé par un soudeur professionnel. Par contre l'ensemble des soudures du circuit de l'eau de refroidissement ont été réalisées par Rémi, celles-ci ne représentant aucun risque sanitaire.

Utilisation et amélioration éventuelles :

L'échangeur permet de refroidir un litre de moût avec environ 1 litre d'eau (en fonction de la température de l'eau froide), ce qui correspond plus ou moins à l'efficacité d'un échangeur à plaques.

Le principal aspect limitant est la vitesse de refroidissement (le débit de moût pouvant circuler dans les tuyaux). Celui-ci est d'environ 400 litres/heure, étant donné qu'il brasse par 1500 litres, il faut environ 3h pour le refroidissement (contre une bonne demi heure avec un échangeur à plaques). Pour pallier à ce problème, Rémi est entrain de construire un nouvel échangeur tubulaire contenant plusieurs petits tuyaux pour le moût au sein d'un seul gros tuyaux pour l'eau.

Coût global : environ 2000 € (sans compter la sonde de température, le manomètre et la lanterne).

Clarinette

Tout au long du processus de brassage, il est nécessaire de réaliser des transferts de fluides (maische, moût, froid, chaud, etc). Ces transferts impliquent la mise en place de nombreux circuits différents, nécessitant de continuels branchements et débranchements de tuyaux. Ces opérations peuvent, à la longue, se révéler fastidieuses et dangereuses (les tuyaux contenant parfois des liquides bouillants ou corrosifs). De plus, la présence au sol des tuyaux flexibles encombrent la brasserie et gênent les déplacements.

Pour palier à ces problèmes, Rémi et Lucien ont décidé d'installer ce qu'ils ont artistiquement appelé une « clarinette ». Il s'agit d'un système de vannes et de tuyaux en inox, reliant différents éléments de la brasserie et organisé autour d'une pompe fixe.

En jouant sur les vannes, la clarinette permet, en effectuant un minimum de branchements et débranchements de tuyaux, de mettre en place les circuits les plus fréquents de la phase à chaud (transferts de maische, recirculation initiant à la filtration, transferts de moûts, distribution de l'eau chaude et de l'eau froide vers les différents postes de la brasserie, alimentation des boules de lavages, etc).

Étant donné que la tuyauterie mise en place ne concerne que la phase à chaud, il a été possible de réaliser l'ensemble des soudures sans prendre de trop gros risques sanitaires. Tout a été fait par Rémi et Lucien munis d'un poste TIG.

L'illustration ci-dessous explique le rôle des vannes de la clarinette. A titre d'exemple, pour mettre en place le circuit nécessaire à la recirculation du moût au début de la phase de filtration, il suffit d'ouvrir les vannes 2 et 7 et d'actionner la pompe. La lanterne (4) permet de contrôler la clarté du moût, et ainsi, de savoir quand la phase de recirculation du moût peut être interrompue. Pour envoyer ensuite le moût vers la cuve matière, il suffira de fermer la vanne 7 et d'ouvrir la vanne 6.
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Adaptation d'une cuve de filtration

Sur une cuve initialement conçue pour la production de vin, Rémi a apporté quelques modifications pour en faire une cuve filtration :

- une porte latérale a été rajoutée pour permettre de vider facilement les drèches en fin de filtration (1)
- des boules de lavage ont été installées sur le plafond de la cuve (2)
- un fond filtrant et sa structure porteuse, constitués de profilés inox en «T » ont été installés. Le fond filtrant a été fabriqué sur mesure (prix d'achat : environ 200 €/m²).
- Des arrivées de tuyaux inox ont été ajoutées : une première juste au dessus du fond filtrant pour le transfert de la maische et une deuxième un peu plus haut (arrivant juste au dessus du gâteau de drèches) pour la recirculation du moût (3)
- tous les conduits partant ou arrivant de la cuve de filtration sont en inox et sont mis en relation avec une pompe fixe grâce à la clarinette (voire point précédent).

A nouveau, les soudures réalisées sur cette cuve ne présente aucun risque sanitaire car elle ne concerne que la phase à chaud.
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Système de refroidissement avec des tireuses à bière

Les fermenteurs de la brasserie ont également été modifiés pour y installer un système de refroidissement fonctionnant à l'aide de tireuses.
Ceci est repris dans l'une de nos précédentes chroniques, consultables en cliquant ici.

Ces travaux de recensement bénéficient du soutien financier de l’Europe et du Réseau Rural National, par le biais de la Mobilisation Collective pour le Développement Rural coordonnée par l’Atelier Paysan sur "L’innovation par les Usages, un moteur pour l’agroécologie et les dynamiques rurales" (2015-2018), dont la FNCUMA, la FADEAR, l’InterAFOCG, AgroParisTech et le CIRAD sont partenaires.

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