Destruction faux semis

Bineuses, scalpeuses et compagnie
Morgan Let
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Destruction faux semis

Message par Morgan Let »

Willy Vindevogel est un maraîcher bio installé au Quesnel dans la Somme depuis 10ans. Il cultive 30 variétés en plein champs sur 6Ha de sols limoneux. Il utilise beaucoup la technique des faux semis pour limiter la pression des adventices et a donc autoconstruit un outil permettant de venir scalper les jeunes adventices.
Cet outil permet de venir détruire les jeunes adventices sans rentrer trop en profondeur dans les deux premiers centimètres du sol. Il est passé avant tous les semis (carottes, betteraves,…) à raison d’une fois par semaine quand le temps le permet jusqu’à 6 fois.
Ce travail superficiel permet également de détruire la couche de battance et ainsi préserver l’humidité du sol.
Photo pour forum.jpg
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Le scalpeur se conduit à vitesse élevé (8km/h jusqu’à 12km/h) et peut être attelé derrière ou devant le tracteur. Dans ce cas il peut être combiné avec un semoir à l’arrière. Il est plus rapide à passer qu’un bruleur à gaz et plus économique. La consommation est de 5l/hectare par passage.
Willy a noté une réduction de 70% à 80% de levée d’adventices depuis qu’il utilise l’outil.

Description de l’outil :

La paire de roues à lames permet de maintenir l’outil à niveau. Le premier rouleau est plus étroit et est combiné avec des disques pour reformer les passes pieds. C’est indispensable vu le nombre de passage fréquents.
La lame en étiré et biseautée permet de scalper le sol à 2cm. La profondeur vis-à-vis du bâti est réglable par vis de pression mais reste inchangée une fois l’outil réglé. La lame est issue d’une barre d’acier biseauté de rechargement de socs de charrue (60 x 15).
Lame biseautée2.jpg
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Le rouleau plombeur vient reformer la planche et assurer que la germination des graines dans les deux premiers centimètres du sol. Il est muni d’une lame décrotteuse à l’arrière.

Améliorations :

Willy envisage d’améliorer l’outil en alourdissant le rouleau plombeur pour assurer une bonne levée des graines. Il pense également changer les deux rouleaux à l’avant par un plus gros assurant une meilleure portance.

FredFoulon
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Faux-semis

Message par FredFoulon »

INTRODUCTION & CONTEXTE:

Willy, maraîcher bio à Folies (lieu-dit Quesnel) dans la Somme, n'en est pas à son coup d'essai. Il dispose de 6 hectares et produit légumes de plein champ mais aussi légumes poussés en serres depuis plus de 10 ans.

L'OUTIL

Willy un bricoleur né, il a notamment conçu et réalisé:
-une dérouleuse de bâches « plastiques » à base d’amidon de maïs (biodégradabilité) il y a quelques années : opération effectuée sans déchirure du film en un temps très court pour une longueur de 300 m ;
-un outil de désherbage thermique en 2019: première mise en service cette année avec en plus l’installation d’une bineuse mécanique dessus.

Et bien sûr son outil de faux-semis (quelques photos légendées viendront illustrer le propos çà et là) ;)

Qu'est-ce que c'est exactement?
C'est une machine portée (non animée par la prise de force du tracteur).
Willy part toujours de l’intérêt agronomique de l’outil à auto construire. En général cela va avec des considérations économiques (coût) mais ce n’est pas le motif principal dans sa réflexion.

A quoi ça sert?
C'est un outil qui est adapté à une certaine texture de sol, ici des limons majoritaires associés à des sables à la limite de la battance.
Le but est d’épuiser la banque de graines adventices (chénopode surtout, renouée des oiseaux et mercuriale dans une moindre mesure) par un travail superficiel du sol à 2 cm (scalpage) qui casse la coûte qui se forme en surface (effet séchant du soleil).
En dessous, cela reste frais, légèrement humide même et le placement des graines à cette profondeur permet une bonne germination (remontée d’eau par capillarité).
vue d'ensemble de l'outil de faux-semis de Willy
vue d'ensemble de l'outil de faux-semis de Willy
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A replacer dans la succession des opérations culturales en AB
Contrairement à l'itinéraire technique en conventionnel, en AB, la séquence des travaux c'est:
-Travail de préparation du sol ou préparation du lit de semences avec une fraise, outil rotatif, mi-avril (passage unique à 25 cm environ) ;
-Passages successifs de l’outil de faux-semis entre mi-avril et mi-mai / fin mai à raison d’1 passage avec la croskillette (« brise mottes ») pour ameublir le sol et d’1 passage par semaine sans la croskillette, soit 4 à 6 passages sur la période ;

Pour le dernier passage de l’outil, ce dernier est attelé à l’avant (et non plus à l’arrière) du tracteur pour pouvoir travailler et semer (semis combiné, 1 seul passage).

Pour rappel, en conventionnel, on prépare le lit de semences et on sème juste après... et vient le temps du désherbage chimique.

Construction
Willy conçoit ses outils sans croquis ou plan. Une optimisation est donc possible avec un passage préalable par une modélisation 3D, même basique ;)

Matériaux utilisés, temps de réalisation et coût de construction ?
Matériaux: de la récup' (aucune pièce d’origine issue du commerce) et seule la ferraille est neuve, les autres pièces ont été achetées d’occasion.
Il n’y a aucune technique originale mise en place, mais bon sens et observation de la part d'un amateur de mécanique.

Temps de réalisation: 6 heures qu’on peut arrondir à une journée de travail pour l’outil avant mise en place de la croskillette et de son système d’amortissement latéral, compter 2 heures supplémentaires pour cette dernière trouvaille.

Coût de construction: moins de 1000 €. Neuf c'est 8000 euros, peut-être davantage! La croskillette, raccourcie, a été réalisée à partir d’une double rangée utilisée en standard (grandes cultures) pour des largeurs de travail de 3 m (200 €, bonne occase).
Les 2 rotoherses (vieux modèle) situées à l’avant sont aussi issus d’un achat d’occasion (150 €).
L'utilisation d'un poste à souder de type MIG (oublié le soudage à l'arc!) lui a fait gagner en confort, temps et précision de travail.

Pourquoi choisir de faire soi-même ?
Les économies bien sûr mais au départ, le constat est souvent le même : le marché du neuf n’est pas en mesure de proposer un outil adapté à la situation, au contexte de la parcelle. Et puis le plaisir de faire soi-même, la vitesse de réalisation, l’autonomie procurée (comme la capacité de pouvoir revenir à tout moment sur l’outil pour l’ajuster au contexte).

Les améliorations depuis la version bêta!
-reprise du rouleau lisse à l’arrière qui réalise un rappui fin pour un lit de semences réussi (travail d’alourdissement, meilleure répartition des masses et donc plus grande stabilité de la structure et humidité préservée) ;
-remplacement très rapide (à la 1ère sortie) des disques latéraux à l’avant (ouverture du sillon ou billon) pour remonter et ramener la terre vers le centre de la ligne de semis car les disques n’étaient pas adaptés à cet usage (disques traceurs) avec des roulements à billes qui ont sauté ;
-renforts latéraux verticaux à l’avant (au-dessus des disques traceurs) pour éviter qu’ils ne plient à l’usage ;
disques latéraux ouvreurs (billon) et renforts latéraux verticaux
disques latéraux ouvreurs (billon) et renforts latéraux verticaux
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-ajout de roues basse pression pour assurer un travail sans à coups et une régularité du travail à 2 cm maximum (profondeur constante) ;
-installation de la croskillette avec un système de relevage avec des chaînes (simple mais bigrement efficace) ;
NB: la croskillette c'est du bonus: à n'utiliser que lors du 1er passage pour faciliter le rappui, après on la retire pour les passages suivants.
croskillette et son relevage (à chaînes)
croskillette et son relevage (à chaînes)
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-jambes de force déplacées et soudées sur les « longerons » latéraux aux 3/4 de la longueur de l’outil: le point de soudure peut aussi être réalisé à l’arrière créant un angle plus ouvert, moindre pression).
Jambes de force
Jambes de force
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Willy se félicite d’avoir positionné la lame biseautée au centre (scalpage) sur toute la largeur de travail (4 lignes de semis par passage pour un écartement de 34 cm entre rangs).

Par rapport au jeu des forces, l'installation d'une barre verticale (fer blanc au centre) évite tout cintrage prématuré de la lame de scalpage.
Le réglage en hauteur des rotoherses et de la barre de scalpage dépend de la texture du sol: en sol limoneux battant ou à tendance argileuse, je rabaisse la lame de scalpage, en sol sableux, je la relève plutôt (moindre pénétration).
lame biseautée avec barre verticale de renfort au centre
lame biseautée avec barre verticale de renfort au centre
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système de réglage de la lame (scalpage)
système de réglage de la lame (scalpage)
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La présence des 2 rotoherses à l’avant, c’est l’assurance d’un travail d’affinement réussi de la structure superficielle du sol. Une seule rotoherse, c’est prendre le risque d’un travail irrégulier (topographie, texture du sol non homogène partout). La première des 2 rotoherses est réglée légèrement plus haut que la seconde. Elles sont indépendantes (pas de chaîne) et apportent un effet stabilisateur.
double rotoherse à l'avant
double rotoherse à l'avant
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Toutes les pièces sont réglables en hauteur (sauf le rouleau lisse, fixe), mais pas en largeur. C'est donc aussi le cas des amortisseurs (de couleur bleue, présence d'une course de 15 cm) qu'on trouve sur le plat de montage de la croskillette.

Usage / fonctionnement
Un des avantages signalés est l’attelage indifférent à l’avant comme à l’arrière du tracteur grâce au système d’attelage en Triangle.

Un tracteur de 120 chevaux maximum peut tout à fait suffire car on s’affranchit ici des outils animés qui réclame une prise de force supérieure.
La distribution est (classiquement) hydraulique (injection d’huile) avec 1 vérin trois points.

Les pièces travaillantes de la croskillette au nombre de 27 (2 cm de large) sont espacées de 3,5 cm. La forme des pièces est de type étoilée (agressivité moyenne, à moduler selon la dureté et porosité du sol).
croskillette (positionnée juste avant le rouleau lisse)
croskillette (positionnée juste avant le rouleau lisse)
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Comment ça fonctionne (récapitulatif)?
C’est vraiment l’action de l’ensemble des éléments qui assure la réussite du travail : disques latéraux (billonnage), rotoherses (affinement), lame biseautée (scalpage superficiel), croskillette (émiettement et début de tassement), rouleau de rappui (bon contact sol-graine à la bonne profondeur).

Comment ça s’utilise ?
La vitesse de chantier est de 10-12 km / h. Il n’y a aucun risque de casse que ce soit en marche arrière, en marche avant, en virage et même en application directe sur un sol labouré.
L’attelage / dételage de l’engin est réellement à la portée de tous avec le système évoqué (attelage en triangle promu mais pas conçu par l'AP).
Les réglages sont vraiment très simples à réaliser.

Economique, c'est sûr...
Cette technique a fait ses preuves contre la levée des adventices et permet d’économiser 11 500 € à l’hectare de main d’œuvre sur une exploitation de 2,5 hectares, soit 28 750 € tout de même.
Il est plus rapide à passer qu’un bruleur à gaz et plus économique. La consommation est de 5l/hectare par passage. La réduction observée est de
70% à 80% sur la levée d’adventices depuis qu’il utilise l’outil.

Pour aller plus loin
Willy a (provisoirement) renoncé, faute de temps, à remplacer les rotoherses à l'avant par un rouleau plus grand et plus massif pour augmenter la portance de l'ensemble.

En plus des caractéristiques déjà citées, le maraîcher est revenu sur le caractère transposable de son outil moyennant quelques modifications selon le type de sols (texture):
→ en sol crayeux : seconde croskillette recommandée (plus lourde)
→ en sol sableux : remplacement de la croskillette par un rouleau en fer déployé (moindre enfoncement dans le sable)
→ en sol argileux : retrait préférable de la croskillette (maintien des 2 rotoherses et du rouleau lisse alourdi en revanche)

Vidéo :
Quelques liens internet utiles:
https://www.latelierpaysan.org/Fabricat ... er-deploye
https://produirebio-normandie.org/wp-co ... erbage.pdf
GRAB-Refbio_desherbage-maraichage-bio_AGIR_8102012.pdf
https://geco.ecophytopic.fr/documents/2 ... 73_pdf.pdf
https://www.grab.fr/wp-content/uploads/ ... partie.pdf
https://www.grab.fr/wp-content/uploads/ ... partie.pdf

jetteauloin
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Re: Destruction faux semis

Message par jetteauloin »

Super construction, qui m'a l'air diablement efficace.
Juste une petite question...
Un tracteur de 120 chevaux maximum peut tout à fait suffire car on s’affranchit ici des outils animés qui réclame une prise de force supérieure.
Je ne comprends pas pourquoi autant de puissance pour un outil aussi simple ? A mon sens un 50/60 chevaux en 4 roues pourrait faire l'affaire non ? Les seuls efforts que je repère et que cet outil pourrait généré sont les socs qui entretiennent le passe-pied et la barre qui scalpe, le reste c'est du roulant...

Merci d'avance pour la réponse.

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