Malterie autoconstruite : Ale'Ouët

Charles AP
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Malterie autoconstruite : Ale'Ouët

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Située dans le petit village encaissé de Pont-de-Veyrières sur Chirols (07), la brasserie-malterie de l'Ale'Ouët, conduite par Vincent Calle et Bertrand Duret, transforme une partie de ses matières premières et produit une bière bio et paysanne, plein de charme et de caractère. Sourire au lèvres et ne manquant pas d'ingéniosité, les deux compères bricolent et autoconstruisent la quasi totalité de leur matériel de transformation. Nous vous présentons ici, leur malterie autoconstruite.
Contexte : La brasserie-malterie de l'Ale'Ouët
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Parcours :
L'histoire de la brasserie de l'Ale'Ouët prend sa source dans la rencontre de Vincent Calle et Bertrand Duret avec Raphaël Patoi, paysan du Diois. Ce dernier alliait les activités de paysan boulanger et de brasseur. Après un passage chez lui en Woofing, Bertrand et Vincent décident de prendre sa suite, commencent par faire du pain et se mettent à faire de la bière en 2009. N'arrivant pas à trouver de terres et de bâtiments pour monter leur propre projet, ils déménagent à Pont-de-Veyrières sur Chirols (07) où ils ouvrent la Brasserie de l'Ale Ouët en 2013.

Production de matière première :
Céréales : Grains achetés à un agriculteur bio situé à Lagorce (40 km de la brasserie) après la moisson, calibré avec un trieur alvéolaire et stocké en silo dans le hangar de la brasserie.
Houblon : cultivé sur un terrain proche de la brasserie (250 pieds disposés en 5 rangs de 30 mètres). Variétés cultivées : Brewergold, Trisselspalt Nugget. Les dernières récoltes n'ayant malheureusement pas été des plus prolifiques, la majorité de leur houblon est acheté auprès de revendeurs (houblon d'Alsace ou Charles faram UK).

Transformation :
Produits : Bière artisanale et biologique de haute refermentation avec refermentation sur lie. La brasserie propose une gamme de 6 bières standards allant de la blanche à la noire.
Production annuelle : 40 000 litres
Malterie : Totalement autoconstruite, elle permet de malter par lot de 350 kg d'orge (beaucoup plus de détails ci-dessous).
Brasserie : Tous les éléments sont bricolés à partir de cuve de récup. (tanks à lait principalement).
- Salle de brassage : permet des brassins de 800 litres. Une cuve d'empâtage, 2 cuves d'eau chaude, une cuve filtre et une cuve d'ébullition. Chauffe au gaz. Refroidissement avec échangeur à plaques. Transferts de liquide réalisés avec des pompes inox.
- Fermentation : fermenteurs simple parois cylindro-coniques pressurisables de récup (conteneur à préparation de fruits). Fermentation primaire dans la brasserie (contrôle de la température avec des échangeurs « drapeau ») et garde en chambre froide.
- Conditionnement : pour les bouteilles, embouteilleuse et étiqueteuse automatique (refermentation en bouteille). Pour les fûts : carbonatation forcée par pressurisation des fermenteurs, suivie de la mise en fût depuis les fermenteurs.

La malterie

Le maltage consiste en la germination contrôlée d’une céréale afin de développer un complexe enzymatique nécessaire aux processus de brassage. Sans maltage pas de brassage ! En dehors du prétraitement des céréales (calibration, nettoyage et stockage), le maltage comporte trois étapes principales : le trempage, la germination et le touraillage.

La malterie conçue par Vincent et Bertrand permet de malter 350 kg de malt à la fois et ne produit pour l'instant que du malt blond.

Trempe et germination

Principe :
La trempe consiste à initier la germination du grain en alternant des phases sous-eau et sous-air. Après la trempe vient la germination, durant laquelle les radicelles et le germe vont se développer.

Construction et fonctionnement :
La cuve de trempe est constituée d'une benne basculante en inox montée sur châssis roulant, ce qui permet la déplacer et de la vider directement sur l'aire de germination. La benne était un peu trop petite et a donc été rehaussée. Une évacuation rajoutée au fond de la benne permet l'évacuation de l'eau. Pour éviter que le grain ne soit évacué en même temps que l'eau, un petit filtre cylindrique grillagé est placé autour du trou d'évacuation.

En sortie de trempe, les grains sont répartis sur l'aire de germination. Celle-ci consiste simplement en une surface lisse au sol (carrelage) délimitée par des planches qui déterminent la hauteur maximale de la couche de grains (25-30 cm). Durant la germination, il est essentiel de remuer la couche de grains pour éviter l'entrelacement des radicelles entre-elles (opération réalisée avec une motobineuse électrique).
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Mode opératoire :
Trempe : 48h (12 heures sous-eau puis 12 heures sous air). La durée dépend de la température et se termine lorsque les radicelles commencent à poindre à l'extrémité des grains.
Germination : Durée variable (entre 3 – 10 jours). Le grain est retourné régulièrement à la motobineuse. La germination prend fin lorsque le germe atteint en moyenne les 2/3 de la longueur des grains.

Coûts (global = 500 €) :
Benne (2e main = 350 €) + rehausse (soudure maison = 50 €) = 400 €
Vanne (récup = gratuite)
Motobineuse électrique = 100 €

La touraille :

Principe :
Le touraillage tient en 2 phases, le séchage des grains sortant de germination suivi du coup de feu, à plus haute température, qui donnera sa saveur et sa couleur au malt. Concrètement, une touraille est un séchoir à air pulsé.

Construction et fonctionnement :

La touraille conçue à la brasserie de l'Ale Ouët est composée de deux entités principales : le séchoir (1) et la soufflerie (2).
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Le séchoir est un caisson s'ouvrant par le dessus, construit avec des panneaux de bois (OSB) et isolé avec des panneaux de liège. Il permet de contenir environ 350 kg de grains (formant une couche de 40 cm de hauteur). La présence d'une grille dans le fond du séchoir permet de constituer un espace vide sous le grain dans lequel l'air est insufflé.

La soufflerie se compose principalement d'un ventilateur centrifuge (puissance = 5,5 kW) et d'un aérotherme constitué de 9 résistances à ailettes disposées en série (puissance = 1 kW chacune). L'air une fois chauffé est envoyé dans la partie inférieure du séchoir (faux-fond) avec une puissance suffisante pour traverser la couche de grain.

Après avoir traversé le grain, en sortie de séchoir, l'air retourne vers la soufflerie grâce à une série de tuyaux (en acier galvanisé) et est évacué de deux manières différentes en fonction de l'étape de touraillage (séchage ou coup de feu). Ceci est rendu possible grâce à un caisson en bois muni de deux trappes s'ouvrant en alternance, l'une donnant sur l'extérieur et l'autre donnant sur l'intérieur de la soufflerie.
- Pendant le séchage, l'air ressort chaud et humide du séchoir, il doit donc être évacué à l'extérieur grâce à la trappe d'évacuation (la trappe de réadmission est alors fermée). Afin de minimiser les pertes de chaleur, les tuyaux d'évacuation traversent la zone d'admission d'air frais, ce qui permet de récupérer une partie de la chaleur de l'air sortant (humide) au profit de l'air entrant (sec).
- Pendant le coup de feu, l'air ressort sec du séchoir, la touraille peut donc fonctionner en circuit fermé. Les trappes d'admission d'air frais et d'évacuation sont alors fermées tandis que la trappe de réadmission est ouverte. Cela permet la recirculation de l'air chaud et minimise les pertes de chaleur.

La puissance du ventilateur est contrôlée par un variateur électrique et dépend de l'étape de touraillage (plus intense durant le séchage que durant le coup de feu) et de l'épaisseur de la couche de grain. La température de l'air entrant dans le séchoir est contrôlée grâce à une sonde de température située au milieu de la couche de grains et reliée à un régulateur PID (thermostat). Celui-ci permet d'éteindre/allumer les résistances pour maintenir une température constante dans le séchoir.

Mode opératoire :

Séchage : air à 45 °C durant 24 h. L'air est évacué vers l'extérieur pour permettre de diminuer le taux d'humidité
Coup de feu : air envoyé durant 4 h, à 80 °C pour faire du malt « Pils » et à 95 °C pour faire du malt « pale ale ». L'air circule en circuit fermé durant cette phase.

Il serait possible de réaliser d'autres types de malt (caramélisés) car le système est capable de monter jusque 125 °C. La production de ces types de malt est un peu plus technique et nécessiterait de nombreux essais, ils se limitent donc pour l'instant à la seule production de malt blond.

Coût (global = environ 2300 €) :
- caisson du séchoir : (OSB = 200 € + liège = 200 €) = environ 500 €
- ventilateur (2e main) = 300 €
- tableau électrique + variateur pour le ventilo (récup. + adaptation = 600 €)
- régulateur PID + sonde de température = 500 €
- résistances électriques : 40€/résistance, 9 résistances = 360 €
- tuyaux en galva (récup) = gratuit

Traitement du malt :

Après le touraillage, le malt doit encore être débarrassé de ses impuretés (radicelles, poussières) et être stocké. Ainsi, le malt passe par une série d'éléments (voir illustration ci-dessous) :

- la brosse à malt : celle-ci permet de détacher les radicelles des grains. Elle est constituée d'un vieux moulin à céréales à deux meules rotatives. Sur l'une des meules un paillasson a été collé et sur l'autre trois brosses à récurer. L'action combinée des brosses et du paillasson est assez agressive pour détacher les radicelles sans pour autant abîmer les grains.

- le pré nettoyeur : il permet de nettoyer le malt de ses impuretés. Sa forme particulière permet à une soufflerie d'éjecter les poussières et les radicelles par la sortie supérieure, vers le cyclone, et de faire tomber le malt propre par la sortie située dans sa partie inférieure.

- le cyclone : construit à partir d'un bidon en plastique bleu et de tubes PVC, il est directement connecté au pré nettoyeur, réceptionne les impuretés éjectées par ce dernier et permet de séparer les poussières (éjectées à l'extérieur) et les radicelles (tombant dans un bac situés en dessous).

- le silo : acheté en seconde main (industrie Banette), il permet le stockage du malt propre. Deux vis sans fin à l'intérieur du silo permettent de pousser le grain vers la trémie du silo et une troisième vis sans fin permet d'amener le grain de la trémie vers le concasseur à grains (première étape du brassage).
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Coût (global = environ 1100 € ) :
brosse à malt (moulin à céréales de récup + moteur de 2e main) = 80 €
pré nettoyeur = 600 €
ensemble des vis sans fin = 150 €
silo (une aubaine!) = 200 €

Retour sur utilisation et améliorations éventuelles

- bon marché (environ 4000 €)
- fonctionnel : la qualité du malt produit est relativement stable et donne de bons résultats en brasserie.
- possibilité d'ajouter un diffuseur d'air (bulleur d'aquarium) dans la cuve de trempe pour permettre une meilleur homogénéité des processus de germination.
- aire de germination un peu petite : limite la production
- beaucoup de manipulation : le grain doit encore être chargé manuellement (dans la cuve de trempe, dans la touraille). Plus de hauteur sous plafond aurait permis d'envisager des systèmes mettant d'avantage la gravité à profit.
- si c'était à refaire, ils envisageraient un système « tout en un » (trempe, germination et touraille dans la même entité).
Ces travaux de recensement bénéficient du soutien financier de l’Europe et du Réseau Rural National, par le biais de la Mobilisation Collective pour le Développement Rural coordonnée par l’Atelier Paysan sur "L’innovation par les Usages, un moteur pour l’agroécologie et les dynamiques rurales" (2015-2018), dont la FNCUMA, la FADEAR, l’InterAFOCG, AgroParisTech et le CIRAD sont partenaires.

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