À propos du
Film national de la machine agricole (1912)
• « ce film muet d’une heure s’adresse aux agriculteurs. » :
Il s’adresse d’abord aux gros propriétaires des plaines du Nord, de l’Île-de-France, de la Beauce, etc
• « cette entreprise de séduction s’appuie sur un patriotisme industriel. »
Ce film défend les entreprises françaises qui fabriquent des machines agricoles face à la concurrence internationale très forte des firmes étrangères (américaines, surtout, mais aussi anglaises et allemandes). En 1912, le slogan des constructeurs français est « achetez français ».
• « une idéologie de la libération de l’homme par la machine. »
Vouloir « libérer » la fatigue des humains qui travaillent par un système technique quelconque en bois ou métallique n’est pas une idéologie. De tout temps, les sociétés humaines ont agi ainsi.
Cependant, faire croire que « les » machines – les « mécaniques », comme on dit à la campagne à cette époque – vont supprimer la fatigue des paysans et des ouvriers agricoles partout en tout lieu et pour tous les travaux agricoles relève d’une idéologie.
• « l’armée de la paix » : Cette expression, qualifiée abruptement « d’oxymore », révélerait « une stratégie de séduction par laquelle l’industrie s’efforce, en jouant sur le sentiment national, d’exporter son modèle dans les champs. »
L’assimilation de la mécanique (des machines) à un objet guerrier vient du 19e siècle, surtout après la guerre de 1970. L’utilisation militaire des locomobiles par l’armée des Prussiens a fortement marqué les esprits en France. Après la Première Guerre mondiale et après la Deuxième, les mécaniques militaires produiront le même effet sur les agronomes et la jeunesse des campagnes.
« L’armée de la paix » n’est donc pas un oxymore. Dès la fin de la guerre de 1870, les projets de labourage et de battage à vapeur s’élaborent, en particulier en Lorraine et en Moselle dont une partie du territoire demeure française. La locomobile anglaise à vapeur de Fowler, offerte par les Quakers dont le pacifisme est déjà célèbre, actionne une batteuse française à grand travail Albaret. Il est même prévu que ces machines passent la nouvelle frontière allemande pour travailler en zone occupée, ces machines font partie de « l’armée de la paix ». Cette expression vient de là.
• « La seconde partie (Déchaumage et labour – Fabrication des charrues) nous montre ainsi des paysans travaillant en chœur sur leurs charrues, et dont la tâche principale consiste à piloter sans effort ces machines. »
Il n’y a aucun « paysan » dans cette séquence.
Ce ne sont pas des « paysans » qui travaillent de concert sur quatre tracteurs en même temps dont la tâche principale consisterait à piloter sans effort ces machines, ce sont des ouvriers spécialisés soit attachés à l’usine du fabricant soit des ouvriers agricoles provenant de grandes fermes de la région qui font une démonstration devant la caméra dans une savante mise en scène imaginée par le réalisateur. Certains conducteurs, bien habillés et sans casquette, sortent visiblement de chez le coiffeur. Ce ne sont pas des paysans.
• « la machine qui, dans un rythme constant, imperturbable, porte l’agriculteur et se substitue à son travail. »
C’est la moindre des choses que l’on demande à une machine : accomplir une tâche auparavant manuelle.
Il n’y a aucun agriculteur dans cette scène, mais des « acteurs », des salariés venant de l’usine ou des ouvriers agricoles.
• « Les bénéfices du travail mécanisé face au travail manuel sont mis en exergue dans la troisième partie (Semailles et plantations) par un artifice de montage : un premier plan met en scène des paysans à pied répandant des semences à la main, tandis que le plan suivant montre la même opération effectuée avec des machines. »
Il n’y a aucun paysan dans cette séquence, mais une scène jouée par des ouvriers agricoles.
Semer des céréales à la main sur une terre préalablement labourée pendant, disons, une demi-journée est extrêmement fatigant. Tout semoir est le bienvenu, c’est l’une des premières machines arrivées dans les grandes exploitations. Il n’y a donc pas d’artifice de montage.
• De même dans « la quatrième partie (Fenaison des arrachages des pommes de terre, haricots et betteraves. Fabrication du matériel de récolte), un artifice similaire montre comment l’arrachage mécanisé des betteraves permet un redressement du paysan. Celui-ci n’est plus obligé de courber le dos : la machine advient pour sa dignité et son bien-être. »
C’est l’évidence même, il n’y a pas « d’artifice de montage ».
• « Dans les champs, les paysans travaillent profondément la terre, traversant avec leurs charrues des étendues immenses, des océans réduits par la vitesse de la machine. »
Dans les très grandes exploitations de plaine auxquelles sont destinées ces machines en France, ce ne sont pas des « paysans » qui mènent la plupart du temps les machines, mais des ouvriers agricoles ou des salariés d’entreprises de travaux agricoles.
• « dans la sixième partie, le fonctionnement d’une batteuse est disséqué avec illustrations à l’appui. »
Pourquoi ce film explique-t-il avec des illustrations animées comment fonctionne une batteuse à grand travail de la Société française de Vierzon ? Des batteuses, il s’en construit un peu partout en France, parfois dans chaque arrondissement, mais souvent pour des exploitations moyennes ou modestes. Le ministère rappelle aux propriétaires et exploitants des très grandes structures que des constructeurs français chevronnés fabriquent aussi des batteuses à grand travail pour eux. En 1892, la Statistique agricole dénombre déjà 234 000 batteuses sur le territoire français quoiqu’amputé de la plus grande partie de l’Alsace et de la Lorraine.
• « La machine devient dès lors le centre de l’image et de son message, l’ingénierie industrielle ne s’adressant plus qu’à elle-même, dans un discours techniciste qui occulte irrémédiablement le paysan. »
Ce film « n’occulte » pas « le paysan », car il n’est pas destiné au « paysan », mais aux très grands propriétaires et exploitants des plaines. Il tente de mettre en valeur l’organisation rationnelle des usines françaises qui construisent les machines. Le message est : « À usines modèles, machines modèles », comme dit le grand fabricant Puzenat de Bourbon-Lancy en Saône-et-Loire.
• Conclusion
Ces films sont-ils capables d’influencer ceux auxquels ils sont destinés ? Sans doute très peu. La croyance au pouvoir des images diffusées dans une salle de cinéma, permanente ou occasionnelle, est d’abord le fait des milieux du cinéma. Les « spectateurs » ne sont pas aussi naïfs et passifs qu’ils l’imaginent. D’ailleurs, ils continueront à acheter des machines agricoles étrangères quand elles leur apparaîtront préférables aux machines fabriquées en France. Les grands propriétaires et exploitants n’ont que faire du « patriotisme agricole » et du cinéma.
Histoire des machines et tracteurs agricoles
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