En fonctionnement depuis 2015, cette ferme présente la particularité de mixer deux activités : Marie-Pierre en maraîchage et David en menuiserie, ce qui facilite le lancement de l'installation sur la partie construction.
Marie-Pierre souhaite suivre un démarche de permaculture « à sa sauce », adaptée en fonction de ce qui réalisable seule, en réduisant les activités chronophages pour se dégager du temps sur la vie de famille. Elle travaille essentiellement à la main ou avec un motoculteur, pas d'autre mécanisation.
Leur installation se fait donc à plusieurs vitesses : celles de la ferme, de l'atelier et la maison sur un même lieu, à la lisière du village. Le projet consiste aussi à en faire un lieu de rencontre sur le village avec l'accueil à la ferme, et une association de soutien a été créée pour leur donner quelques coups de main.
Après seulement un an d'installation et de nombreux aménagements, on a ici de nombreux exemples illustrant l'intérêt de travailler à plusieurs, de mixer les compétences ! L'aide du menuisier sur le projet est un atout précieux pour le gain de temps et le lancement de la ferme, et offre un panel de réalisations et d'expérimentations très différentes, avec un même matériau : le bois.
De la grande serre en double-tunnel, onéreuse et esthétique, à la petite serre en arches, sobre et efficace, en passant par des poulaillers mobiles déplaçables à la brouette, l'ensemble des bâtiments sont neufs et autoconstruits de A à Z !
Historique
Nature de l'exploitation et surfaces :
Maraîchage bio et élevage de poules pondeuses en plein air :
- 2ha de terres, entre 0,5 et 0,8 ha cultivés (535 m² sous serres)
- 43 poules pondeuses
Commercialisation :
Uniquement en vente directe (+ approvisionnement d'un restaurant dans le village de temps en temps)
Parcours réglementaire :
Une anecdote sur la construction de la maison : le terrain étant situé dans le périmètre de protection d'un monument historique et d'un site archéologique, il a fallu passer par un architecte des Bâtiments de France pour le permis. Ceci a permis d'autoriser le toit plat végétalisé, ce qui n'était pas possible autrement dans la région. En dehors de ça, les serres n'ont pas été soumises à un permis de construire (en dessous du seuil de 2000m²).
Conception :
Travail avec un bureau d'études pour la conception de la maison, mis-à-part ça tous les autres bâtiments sont complètement autoconçus (avec les compétences de David pour la construction bois).
Grande serre double-tunnel en bois : construction neuve
Clef de détermination :
Besoin d'une surface importante sous serre, de hauteur (performances thermiques), afin d'assurer une continuité de production sur toute l'année (et notamment au printemps, où il est difficile de faire revenir les clients sur la ferme). Il s'agit aussi de pouvoir accueillir du monde dessous (public et activités), afin de valoriser au plus cette serre et l'énergie dépensée dans sa réalisation.
Coût global : 17 000 € pour toute la serre (achat des tout le matériel en neuf, mais avec des tarifs professionnels)
(16 000€ sans les portes en verre feuilleté)
Quantité de matériaux : 15m3 de bois (douglas, déjà débité en scierie),
Superficie : 400m² (4x10m, 4m de haut sur le grand pignon, 3,5m sur le petit)
Choix de conception :
- Grande serre à double-tunnel, avec une allée centrale de circulation. Chaque tunnel est composé d'un portique en bois sur lequel sont fixé des panneaux de polycarbonate, l'allée centrale connecte les 2 tunnels.
- Enveloppe en polycarbonate : bien meilleure isolation thermique que la bâche, donc une meilleure régulation de température pour assurer la continuité de la production.
- Chéneau central en toiture (conditionne la forme du toit), pour la récup' des eaux de pluie, qui conditionne la pente du toit avec les 2 versants vers l'intérieur.
- Ouvertures / ventilation : 7 portes sur la longueur de chaque grande façade (tous les 5m) et 2 doubles-portes sur chaque pignon. La ventilation se fait en ouvrant toutes les portes, pour créer des courants d'air dans le sens de la longueur ou de la largeur.
Particularités :
- 2 bacs de récupération des eaux de pluie seront construits sous le chéneau, dans l'allée centrale. Ils devront jouer le rôle de tampon hygrométrique et apporter l'inertie thermique nécessaire pour prévenir l'intérieur du gel (+rafraîchir en été).
- Espace d'accueil / polyvalent (50m²) : un plancher-bois doit être ajouté au centre de la serre. Il pourra faire office de lieu de travail (zone tampon pour la récolte des cultures), ou accueillir des activités collectives (ateliers, réunions, etc).
Choix constructifs :
- Structure : portiques bois en montants d'ossature (douglas non-traité, section 45x220mm), symétriques pour composer les deux tunnels et connectés en toiture par le chéneau. Ces portiques sont répétés sur toute la longueur de la serre, espacés d'1 mètre entre eux et solidarisés par des lisses hautes et basses.
- Fondations : 4 semelles filantes en béton-armé sur toute la longueur du bâtiment. Des équerres métalliques connectent les lisses basses aux semelles, en prenant soin de maintenir le bois à quelques centimètres du sol
- Chéneau de toiture : Caisson en plaques d'OSB, avec un revêtement en membrane EPDM pour l'étanchéité
- Contreventement : contrefiches dans le plan des murs et des portiques.
- Façades : techniquement, il s'agit de murs-rideaux, ou façades-légères (voir le lien en fin d'article). Les panneaux en polycarbonate (16mm) sont appliqués contre les portiques et tenus par des « serreurs » extérieurs en douglas, vissés jusqu'aux montants de structure (+joint entre les panneaux polycarbonate et les montants).
- Portes / ouvertures : jambages ( et charnières en alu + traverses en bois + vitrages en verre feuilleté (pour plus de transparence que le polycarbonate).
Autoconstruction : totale
Calendrier : construction étalée sur 3 mois, de janvier à mai 2016, selon les temps libres de chacun.
Ils estiment que la construction de cette serre prendrait 2 semaines et demi, a 3-4 personnes (avec coupe des éléments de charpente à partir des débits de scierie).
Accompagnement d'un professionnel :
David est menuisier, donc le professionnel est à domicile !
Chantier participatif :
Marie-Pierre et David sont restés en permanence sur le chantier, et ont reçu des coups de main ponctuels de la part d'amis et des membres de l'association de soutien à leur installation.
Organisation du chantier :
Matériel : uniquement en électroportatif. 2 scies radiales, 2 visseuses, une scie sauteuse et une scie circulaire.
Quelques quantités : 15m3 de bois (douglas, débité en scierie), 700m² de polycarbonate, 3km de joints, 10kg de quincaillerie.
Le bois a été stocké à quelques mètres de l'emplacement actuel de la serre, et un atelier découpe des éléments de charpente mis-en-place juste à côté. Les portiques étaient montés ensuite directement sur l'emplacement de la serre, et levés à bout de bras (l'ensemble est assez léger pour 2 personnes).
Pour monter les panneaux de polycarbonate sur le haut des façades et le toit, des plateaux ont été fixés sur en partie haute des portiques : on peut ainsi faire passer facilement le polycarbonate à quelqu'un en en appui dessus, sans avoir recours à un échafaudage.
Usage :
Organes internes :
- Surface de culture : environ 300m²
- Allée centrale : 35m²
- Espace polyvalent : 50m²
Ergonomie :
Circulations : uniquement par les portes latérales et l'espace polyvalent au centre, car l'allée centrale sera aussi occupée par les bacs à eau. Après, les circulations à l'intérieur de la serre peuvent aussi varier en fonction de la disposition des cultures.
Pour l'instant très peu de retours sur l'ergonomie, car la serre n'était pas terminée lors de la visite. Malgré cela, les performances thermique étaient excellentes pendant le printemps.
Défauts d'usage majeurs :
Pas possible de ventiler la serre sans ouvrir complètement les portes : ils réfléchissent donc à intégrer prochainement un autre système de ventilation (soit mécanique, soit en plaçant des trappes au dessus des portes).
Si c'était à refaire :
Comme la serre est neuve, ils est encore un peu tôt pour prendre du recul. Il s'agit aussi de la troisième serre qu'ils réalisent en moins d'un an, il ne devraient donc pas en faire d'autres d'ici quelques temps... Il est clair que la quantité de bois utilisée est très importante et qu'une solution plus classique avec bâche + structure acier serait moins onéreuse, mais étant donné la différence en termes de performances thermiques, les premiers rendements sont déjà prometteurs ! Ils envisagent aussi d'ajouter une vieille cuisinière à bois sur l'espace polyvalent, pour faire face aux températures négatives.
Ces travaux de recensement bénéficient du soutien financier de l’Europe et du Réseau Rural National, par le biais de la Mobilisation Collective pour le Développement Rural coordonnée par l’Atelier Paysan sur "L’innovation par les Usages, un moteur pour l’agroécologie et les dynamiques rurales" (2015-2018), dont la FNCUMA, la FADEAR, l’InterAFOCG, AgroParisTech et le CIRAD sont partenaires.Aller plus loin :
- Sur un sujet similaire, un exemple de serre mobile, et sa transcription en R&D à l'Atelier Paysan
- Quelques variations autour la serre, avec ou sans bois
- Prototype de module agricole de l'Atelier Paysan, à partir d'arches en bois
- Pour la construction : l'entrée Wikipédia sur le principe du Mur-rideau